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Critique La Théâtrothèque Demain
par Jeanne-Marie Guillou
La théâtrothèque
Publié le 20 Juillet 2018
Après le succès du Silence du miroir, première adaptation du recueil Théâtre décomposé ou l’homme poubelle, La Compagnie du petit matin nous revient avec leur auteur de prédilection et crée un nouveau spectacle adapté du même recueil. D’autres textes ont été sélectionnés pour donner vie à un nouveau personnage. Émanation de nouveaux textes courts, Bruno Abadie adapte, met en scène et interprète ce nouvel opus. Il triture, malaxe, pétrit et imbrique quelques-unes de ces nouvelles, jusqu’à recomposer un spectacle fluide et intelligent.
Toujours obsédé par la peur de l’autre et l’angoisse de la solitude, idées maîtresses de son œuvre, Visniec nous entraîne vers des contrées plus poétiques ou l’imagination du spectateur est sollicitée. Le spectacle débute par les confidences d’un Homme chargé d’enterrer des morts. La description du lieu est-il un champ de bataille ? Le résultat d’une catastrophe nucléaire ? Un camp de la mort futuriste ? Il manie une machine appelée « ramasseuse enterreuse ».
Tout est calculé, standardisé, informatisé et exécuté par la machine. L’Homme finit par abandonner ce métier de solitude et rentre chez lui. Un cheval blanc l’attend au pied de son immeuble et ne le quittera plus.
D’abord inquiet de cette présence, puis troublé et enfin conquis, l’Homme partira pour un beau voyage avec l’animal. Sous le regard réprobateur des voisins, il goûtera à une sorte de liberté vite effacée. Le cheval est-t-il l’amour ? La délivrance ? L’évasion ? Le rêve ?…
De retour à la triste et grise réalité, l’Homme tombera soudain dans la spirale d’une solitude absolue.
Il se retrouve absolument seul au monde. Plus de bruits, plus de lumière, plus d’animaux, plus personne.
Comment réagira l’Homme ? Qu’adviendra-t-il de lui ?…
Entre poésie, angoisse et suspens, Bruno Abadie nous entraîne dans les méandres fantasmagoriques de
l’Homme. Entre rêves fugaces et situations burlesques ou sordides, Bruno Abadie bénéficie d’une lumière
crépusculaire, précise au millimètre près. La musique composée tout spécialement par Rébecca Féron, jouée
à la harpe électro acoustique, donne une épaisseur et une vibration exceptionnelle à ce spectacle de grande
qualité. -
Critique Le 24h
par Mélodie Fourcade
Le 24h
Publié le 12 Janvier 2018
Un texte à l’humour ravageur, parfois caricatural, d’une humanité qui va mal.. ou qui n’est plus.
Des écrits bruts, qui retracent de manière authentique la tragédie de l’exil.
Une entrée en scène forte. Sur fond sombre, des « migrants », mis en lumière, fuient. Coups de feu, l’instant qui se ralentit : la dure réalité est exposée dès les premiers instants.
Dans la pièce, on va ensuite sauter d’un tableau à un autre. Tantôt, on sera sur un bateau dirigé par une passeur. L’instant d’après, on sera dans le bureau d’un président, totalement déboussolé par la problématique de l’immigration. Changement de décor, des publicitaires apparaissent, avides des dernières technologies à la mode… et ainsi de suite.
Les dialogues se suivent et se complètent, d’un cadre à un autre, épisodes qui s’enchaînent rapidement, pourtant représentatifs d’une vérité déconcertante.
Sons et lumières ajoutent au suspens et à la gravité de ces instants de vie compliqués. Une réalité pesante, un trait grossi, mais pas moins avéré, qui opprime les gens nés, ou pas, sur la bonne partie du globe.
« Nous sommes dans le même bateau« .
Clap de fin.
Succès fulgurant.
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Critique Le Brigadier
par Mathieu Arnal
Le Brigadier
Publié le 18 Janvier 2018
» Plus qu’un coup de cœur : c’est une claque que j’ai reçue au Théâtre du Pavé à la vision de cette pièce tiré du dramaturge Matéi Visniec. La Cie du petit matin, dix ans après avoir monté EXILS, retrace en une trentaine de tableaux, l’itinéraire de ces réfugiés qui tentent de rejoindre l’Europe. La scénographie est volontairement dépouillée car la langue de Visniec, grinçante et cynique, se suffit à elle-même. Les médias diffusant l’info en continu et les spins doctors, ces fameux conseillers de l’ombre, en prennent pour leur grade, et à juste raison. Dans la galerie de personnages proposés, les scènes avec le personnage de Elihu sont l’acmé de cette inhumanité en marche où tout s’achète et où tout se vend.Au final, cette pièce qui provoque l’effroi et la rage, d’une urgente salubrité publique est à voir absolument. «